Développement Durable : surprendre pour mieux sensibiliser

Pour qu’un  message soit remarqué, il est nécessaire de faire preuve d’inventivité. Dans le développement durable aussi on l’a bien compris. Voici quelques initiatives surprenantes.

Surprendre, amuser ou choquer, toutes les voies sont bonnes pour sensibiliser les citoyens au développement durable. Ces derniers temps ont fleuri pléthore d’opérations de communication plus étonnantes les unes que les autres. A travers des BD humoristiques, des web docs ou des sites Internet fantasques, les défenseurs de l’environnement ont fait preuve d’inspiration pour capter l’attention du grand public. Focus sur quelques campagnes qui prouvent que le développement durable sait être étonnant.

Comment faire passer un message dans un monde où l’information coule à flot ? Noyés dans la jungle des contenus qu’ils reçoivent dans la rue, à la télévision, via leurs ordinateur ou leur téléphone, les citoyens d’aujourd’hui veulent aller à l’essentiel, et vite. Le temps du lecteur du XXIe siècle est précieux, il faut donc savoir être rapide et efficace. Et si en plus vous savez le divertir, c’est encore mieux. Les associations qui militent pour une économie responsable et un développement durable ont bien compris ces contraintes, et ont su diffuser des opérations innovantes qui ont fait le buzz ces derniers mois. Comment ? En faisant preuve d’imagination, d’audace, d’originalité et d’humour parfois, afin d’intéresser le plus grand nombre.

Un dessin vaut mieux qu’un long discours

Avant, les ravages de la pêche en eaux profondes n’intéressait pas grand monde. Mais ça c’était avant Pénélope Bagieu. La graphiste, rendue célèbre par son blog « Ma vie est tout à fait fascinante » qui raconte des anecdotes quotidiennes, s’est emparée du sujet porté par l’association Bloom : militer pour sauver les poissons des grands fonds. En une BD web, dotée de beaux dessins, beaucoup d’humour et un contenu bien documenté (apporté par Bloom), elle a fait décoller la cause : la BD a récolté 380 000 likes sur Facebook et a boosté la pétition organisée par Bloom, qui compte aujourd’hui plus de 827 000 signatures. Et même si l’initiative n’a pas rencontré le résultat escompté puisque l’Union européenne n’a pas interdit la pêche en eaux profondes, elle a au moins eu le mérite d’éclairer l’opinion sur les enjeux de cette technique mais aussi de faire réagir les acteurs concernés ! Casino et Carrefour ont annoncé qu’ils retiraient de leurs étals les principales espèces pêchées en eaux profondes dès 2014 « pour répondre aux préoccupations de leurs clients » et la Scapêche (flotte de pêche du groupe Intermarché et principal acteur français de la pêche profonde) a ouvert le dialogue. Le 31 janvier, la Scapêche a même annoncé qu’elle s’engageait à arrêter, d’ici début 2015, la pêche avec des chaluts de fond au-delà de 800 mètres de profondeur.

Le nu revisité pour la bonne cause

Les vieilles recettes sont parfois les meilleures. Pour défendre les poissons (encore eux) et lutter contre la surpêche en Europe, le photographe Denis Rouvre, n’a pas hésité à déshabiller plusieurs personnalités (Thomas Dutronc, Aure Atika, Jean-Marc Barr, Kenzo…) pour la campagne 2013 de l’association Fishlove, qui lutte contre les pratiques de pêche qui sont en train d’épuiser le stock mondial de poisson. La mise en lumière de ces « hommes poissons » est surprenante. Malgré l’audace de ce coup de pub, les poissons  n’ont pas encore réussi à attirer le même capital sympathie que les chats, les bébés phoques ou les gorilles. Les clichés de Denis Rouvre ont sans doute le défaut de leur qualité : on se concentre sur le travail artistique au risque d’en oublier le but premier : promouvoir la pêche durable.

Un top chef énergétique

A défaut d’avoir des moyens de communication colossaux, les associations, ne manquent pas d’idées. « Il faut sortir des sentiers battus, créer le déclic. Par exemple, apporter un côté ludique à de l’information peut lui donner encore plus de sens », constate Florence Clément, du département Information du public à l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (Ademe). L’établissement public soutient pléthore d’initiatives de sensibilisation innovantes. Un exemple avec l’opération « Familles à énergie positive », qui existe depuis six ans. Son principe : regrouper des équipes d’une dizaine de personnes (voisins, collègues de travail…) autour d’un but commun : réduire d’au moins 8 % leur consommation d’énergie pendant tout un hiver. Pour y parvenir, un « coach » formé parPrioriterre (association à l’origine du projet) guide les participants dans leur défi. « Réunir un groupe avec un objectif permet de motiver tout le monde, chacun s’y met. Résultat, en 2012, les participants ont enregistré en moyenne 12 % d’économie d’énergie, soit plus que l’objectif initial », ajoute Florence Clément.

Le choc du réel

Voilà une initiative surprenante et réussie : Planet Money, un média américain spécialisé dans la pédagogie de l’économie, a lancé l’an dernier un projet étonnant autour de la création d’un t-shirt : « Planet Money makes a t-shirt ». Pour montrer aux curieux toute la chaîne de fabrication, Planet Money a proposé aux internautes de commander des t-shirts à 25 dollars l’unité. Avec ce carnet de commandes, une équipe du site a pu financer non seulement la conception du t-shirt, mais aussi la réalisation d’un film qui retrace le processus de fabrication des produits commandés. Le reportage démarre dans Mississipi d’où vient le coton, se poursuit en Indonésie et en Colombie où le coton est transformé en fil, passe par le Bengladesh où le fil est tricoté, teint et cousu, et se termine à Brooklyn où les t-shirts sont imprimés. L’initiative a fait mouche : les concepteurs tablaient sur 2 000 commandes, ils en ont eu 25 000 !

Les vidéos chocs, c’est aussi le moyen de communication utilisé par l’association  Mountain Riders pour promouvoir le développement durable en montagne. Exemple avec un film qui incite à ne pas jeter les mégots de cigarettes dans la neige. Le film s’ouvre sur une scène classique où l’on voit une personne cuisinant un poisson, commence à le déguster puis sort un mégot de cigarette de sa bouche. Puis, flash back inversé. Le film retrace le voyage du mégot : le pêcheur qui attrape le poisson, le poisson qui gobe le mégot, le mégot qui redescend la rivière, la neige qui fond et le skieur qui jette son mégot dans la neige. Simple et efficace.

Détourner la réalité

On connaissait le film Joue la comme Beckham. Oxfam s’est inspiré du titre pour son opération #jouelacommeareva. « Dans la vie, tout se négocie, même ses impôts. Prends exemple sur les plus grands qui signent des contrats avec les Etats pour ne plus payer la TVA pendant 10 ans, protéger 20% de leurs revenus de tout impôt, ou arrêter de payer les taxes sur l’essence. Tu crois que c’est impossible, tu te dis qu’il y a embrouille ? Pas du tout. Areva le fait avec le Niger, alors pourquoi pas toi ? », peut-on par exemple lire sur le site. Avec son faux portail web, Oxfam a souhaité attirer l’attention sur l’enjeu qui se joue actuellement au Niger, où Areva renégocie ses prochains contrats d’exploitation d’uranium.

Greenpeace, habitué des campagnes de sensibilisation, recherche également l’innovation dans chacune de ses opérations. En 2013, l’ONG a imaginé « Ma Facture du Futur », une opération qui compare deux facture « EGF » virtuelles : une facture « nucléaire », et une facture qui prend en compte la transition énergétique. « Nous abordons les français à travers quelque chose qui les touche dans leur quotidien. Il est essentiel que les campagnes en faveur de l’environnement soient concrètes, avec une information pertinente. Mais la forme est également prépondérante. On assiste d’ailleurs à une course globale à l’innovation dans les prises de parole », estime Axel Renaudin, directeur de la communication de Greenpeace France. Toutes ces initiatives à succès démontrent que la forme est aujourd’hui aussi importante que le fond. Mais aussi que les campagnes ascendantes ont fait leur temps, comme le résume Axel Renaudin : « La clé de la réussite, c’est d’offrir au public la possibilité de participer. Il est impératif d’impliquer le public et de rendre leur action utile. »

La réalité est un jeu (sérieux)

Comme les gaz de schiste, les dangers environnementaux des sables bitumineux sont régulièrement expliqués et dénoncés par les ONG. Mais qui entend l’argumentaire en dehors des militants ? Après deux ans d’enquête, soixante jours de tournage et cinquante entrevues, David Dufresne a décidé de sortir du reportage classique pour élargir le débat. Le webdocumentariste a donc conçu Fort McMoney, un « serious game », sorte de croisement entre le jeu vidéo culte « sim city » et un documentaire inspiré de réalité de la ville canadienne de Fort McMurray, située au nord de l’Alberta. En allant sur le site, l’internaute se promène à travers la ville et pose des questions à ses habitants (SDF, militants, cadres d’une entreprise pétrolière..). Ces échanges permettent d’informer les internautes sur les problématiques qui les intéressent. Chaque semaine, un référendum virtuel est organisé. Les joueurs utilisent alors leurs « points d’influence », acquis tout au long du jeu, pour mettre en avant leur opinion et influencer l’avenir de Fort McMoney. « On aurait pu écrire un très bon livre de 200 pages sur l’exploitation des sables bitumineux, sur les enjeux que cela soulève. Mais ce qui m’intéressait, c’était de créer le débat autour de cette question, pas de prendre parti. Et le jeu, en impliquant le lectorat, en le transformant en acteur, permet cela. (…) Je ne condamne pas les productions linéaires. J’essaie simplement de réfléchir à d’autres narrations, d’expérimenter », explique le concepteur du jeu à Télérama. Lancé fin novembre, le jeu a déjà séduit 300 000 gamers et la deuxième partie vient de commencer.

Source: novethic.fr

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